2025
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2006

Salle des Fêtes
MARK BRAUD
MARK BRAUD & HIS TRADITIONAL NEW ORLEANS JAZZ BAND
Session de printemps

Le 29 Août 2005, les inondations causées par le cyclone Katrina ont dévasté La Nouvelle-Orléans. La plus grande ville de l'Etat de Louisiane s'est retrouvée presque totalement submergée par les eaux du lac Pontchartrain : on a tous en mémoire les images de désolation diffusées par les médias. Cette catastrophe naturelle a provoqué un fort élan de générosité. Les organisations humanitaires se sont mobilisées ; elles ont également trouvé des relais dans le monde de la musique et, plus particulièrement, celui du jazz (n'oublions pas que La Nouvelle-Orléans est son berceau). Aussi, cette tragédie ne pouvait-elle pas laisser Marciac indifférent, l'identité culturelle de notre village étant étroitement liée à la Louisiane. Jazz in Marciac n'a pas oublié cet ancrage musical et affectif (comment le pourrait-il d'ailleurs, son président d'honneur Wynton Marsalis est un enfant de la Nouvelle-Orléans). Pour venir en aide aux musiciens victimes de Katrina, l'association a décidé d'organiser les 24 et 25 mars, des concerts de soutien consacré à la musique traditionnelle de La Nouvelle-Orléans. Conjuguant citoyenneté, solidarité et convivialité, Jazz in Marciac a prouvé, une fois de plus, qu'il pouvait compter sur la fidélité de son public.

Retour sur ce week end solidaire et festif : les meilleurs groupes européens du style "New Orleans Revival" se succèdent pendant deux jours. Les débuts de soirées sont consacrés à des dîners en plein air animés, dans l'esprit des fêtes et pique-niques de La Nouvelle-Orléans, par les Gascons Laveurs et Lower 9th. L'influence des vétérans néo-orléanais est encore plus systématisée lors des premières parties de concerts assurées par le Mississippi Jazz Band du trompettiste José Haro, les New Orleans Blue Stompers, les Gersois de Ting A Ling et le sextette de Paul Chéron. Ces formations jouent bénévolement et se sont mobilisées pour l'action de Jazz in Marciac avec une spontanéité remarquable. Leur participation n'en est que plus touchante de même que le vibrant hommage musical qu'ils rendent à leurs confrères américains. The Traditional New Orleans Jazz Band, dirigé par le trompettiste Mark Braud, joue en seconde partie. Né à La Nouvelle Orléans en 1973, Mark Braud a commencé sa carrière de musicien professionnel dès l'âge de quinze ans. Influencé par Wynton Marsalis, diplômé en Histoire du Jazz, il est rapidement devenu un artiste très intéressant dans le panorama du Jazz aux Etats-Unis. Neveu du célèbre Wendell Brunious, il partage avec son oncle le talent du phrasé inventif et personnel. Il a collaboré avec Harry Connick Jr., Dr. White, Henry Butler, Eddie Bo et dirige désormais son propre groupe.

The Traditional New Orleans Jazz Band compte dans ses rangs quelques-uns des musiciens les plus en vue de la scène louisianaise actuelle. La section mélodique, en plus du leader-trompettiste, est composée de Lucien Barbarin au trombone et d'Evan Christopher à la clarinette. La section rythmique comprend Steve Pistorius au piano, Walter Payton à la contrebasse et Gerald French à la batterie - neveu du légendaire Bob French, l'un des derniers vétérans encore actifs sur les scènes de La Nouvelle-Orléans. En associant la chanteuse Lillian Boutté aux descendants de ceux qui ont fait la gloire du jazz des origines, Mark Braud a réuni un "All-Stars Band" qui nous montre comment joue un orchestre traditionnel de New Orleans contemporain. Pas de groove louisianais pour commencer, juste une ballade (If We Never Meet Again) et un blues (Dwight Braud Blues). Mais très vite, l'esprit festif nous rapproche des faubourgs de La Nouvelle Orleans : trombone avec sourdine, batterie minimaliste, cadence maximaliste sur "When My Dream Boat Comes Home". Avec "Hot Sausage Rag", titre du dernier album de Mark Braud (2005, Tower Records) le final est particulièrement jouissif pour les spectateurs : le thème principal est repris à l'unisson selon un léger decrescendo avant que chacun ne finisse par mettre le feu. Cette formule très efficace est reproduite sur "Shake It and Break It" : c'est la marque de fabrique du style néo-orléanais, qui provoque des fourmis dans les jambes et nous donne envie de nous lever de nos chaises pour danser. Standing ovation! Le dernier morceau (Bagatelle) sonne très brass band à l'exception de l'accompagnement à la contrebasse de Walter Payton mais contrairement aux idées reçues, les orchestres typiques de La Nouvelle-Orléans ont rapidement préféré cet instrument au tuba basse et au soubassophone, réservés aux parades. Le rappel est l'occasion pour tous les musiciens ayant assuré les premières parties de monter sur scène et de jouer ensemble pour La Nouvelle-Orléans.

Rappelons qu'en Louisiane, les pertes humaines et matérielles sont considérables (plus de 1200 morts dont le célèbre guitariste de blues Clarence Gatemouth Brown ; plus de 200 000 sinistrés toujours dans l'attente d'être relogés...). Sans parler des fonds documentaires emportés par les eaux, de la topographie musicale de la ville et des lieux de mémoire : les pertes sont quasiment irréversibles. Les sommes recueillies à Marciac pendant ce week-end seront reversées dans leur intégralité, selon les conseils de Wynton Marsalis associé à notre action, à "The New Orleans Musicians's Clinic (NOMC)". Mais l'aide à La Nouvelle-Orléans doit continuer car les cicatrices sont bien loin d'être refermées. Pour venir en aide aux musiciens victimes de Katrina, le site http://www.wwoz.org/clinic offre la possibilité de faire des dons.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux