2025
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Jazz in Marciac

Construire Ensemble

Non, il ne s’agit pas à travers ce titre de souligner une énième fois l’importance du « vivre ensemble » dans notre société – une cause acquise aux yeux du public de Jazz in Marciac – mais de revenir sur l’essence même de notre projet. Impensable, imprévisible… Tout a été dit sur la stupeur qui nous a saisis quand la pandémie de Covid-19 s’est abattue sur le monde. Mais peut-être n’a-t-on pas assez souligné à quel point cette crise a servi de révélateur dans de nombreux domaines. Parmi d’autres significations, le mot grec krisis concerne d’ailleurs « l’action de distinguer ». C’est ainsi que l’annulation de l’édition 2020 de Jazz in Marciac a mis en lumière ce qui échappait à son public : en dépit de ses 43 années d’expérience, la réussite du festival constitue un défi permanent. Son éclat international a pu faire croire qu’il pouvait naître d’un claquement de doigts mais il s’agit d’une entreprise à la fois complexe et fragile, nécessitant chaque année une remise en cause, un travail énorme et une vraie prise de risque, difficilement évaluable par les observateurs. Au fond, on retrouve là le principe de l’artiste dont les efforts acharnés demeurent cachés aux yeux du public. À ceci près qu’il n’y a pas qu’un artiste : avec sa quarantaine d’administrateurs et son millier de bénévoles, Jazz in Marciac démontre le pouvoir de chacun quand il agit avec les autres. C’est là l’un des enseignements forts de la crise que nous vivons et qu’il conviendra de ne pas oublier. Cette assemblée de passionnés agit avec d’autant plus de conviction et d’enthousiasme que notre festival, personne ne le contestera, est unique.
 

Une proposition artistique d’excellence

Qu’il nous soit permis d’énumérer ici quelques-uns de ses atouts, en commençant par l’excellence de la proposition artistique. Elle s’est imposée dès 1978, quand le Foyer des Jeunes et d’Éducation Populaire de Marciac a proposé une soirée de concerts autour du clarinettiste et saxophoniste Claude Luter. Il serait trop long d’égrener les noms de toutes les stars qui ont pris le relais dans les éditions suivantes mais, pour le plaisir, nous pouvons citer Lionel Hampton, Dizzy Gillespie, Stan Getz, Oscar Peterson, le Modern Jazz Quartet, Norah Jones, Stéphane Grappelli, Ray Charles, Michel Petrucciani, Diana Krall, Sonny Rollins, Gerry Mulligan, Herbie Hancock, Keith Jarrett, Nina Simone, Chick Corea, Ahmad Jamal, et bien sûr notre parrain Wynton Marsalis. La programmation s’est révélée tout aussi prestigieuse quand Jazz in Marciac s’est ouvert aux musiques cousines comme le blues, le rhythm’n’blues, la world music, la soul, le latin jazz, voire le rock. Quelques noms pour en juger ? Buddy Guy, B.B. King, Lucky Peterson, Joe Cocker, Maceo Parker, Tito Puente, Irakere, Ray Barretto, Le Buena Vista Social Club, Manu Dibango, Ibrahim Maalouf… Et l’ambition de qualité a été la même lors de la création des Grands Événements Musicaux qui répondait au désir de surprendre, au refus de s’institutionnaliser. Santana, Joan Baez ou encore Sting sous le chapiteau de Marciac : excusez du peu !

Pour autant, ces artistes établis n’ont jamais fait d’ombre aux talents en herbe que Jazz in Marciac se félicite d’aider à pousser. Deux exemples parmi bien d’autres : celui de la chanteuse coréenne Youn Sun Nah qui, après avoir ensorcelé le public du festival Bis, s’est illustrée à l’Astrada dès 2011 puis a connu la consécration sous le grand chapiteau en 2012. Ce grand chapiteau sous lequel le désormais illustre Roberto Fonseca a pu offrir de précieuses exclusivités, comme pour remercier le festival de l’avoir accompagné dans sa fulgurante ascension. À Marciac, le souci de semer des graines d’artistes ne nous a jamais quittés. La preuve avec la création dans son collège des Ateliers d’Initiation à la Musique de Jazz. Soutenue indéfectiblement par le festival, l’initiative prise en 1993 n’avait pas pour objectif de former de futurs professionnels mais de développer les valeurs inhérentes à la musique comme l’écoute de l’autre, le respect, la capacité d’autonomie doublée d’un sentiment d’appartenance à une collectivité… Mais cela ne nous empêche pas de nous montrer très fiers lorsque certains de nos anciens élèves, tels Émile Parisien ou Leila Martial, tous deux couronnés par l’Académie du Jazz, imposent leur talent et défendent au plus haut degré la cause du jazz !
 

Un événement populaire

Le deuxième atout de Jazz in Marciac se révèle en un mot dont le sens est trop souvent malmené : populaire. Il est synonyme pour nous de solidarités, d’échanges, de brassages, de toutes ces valeurs qui favorisent la mixité sociale et la rencontre de l’Autre par-delà ses différences – ou même grâce à elles. Quelle meilleure musique que le jazz pourrait les incarner ? Promenez-vous dans les rues de Marciac au cœur de l’été : vous y découvrirez un fabuleux big band où fusionnent tous les âges, tous les sexes, toutes les origines, toutes les catégories sociales. Une diversité qui culmine au centre de notre bastide, face à la scène du festival Bis où tous les publics ont libre accès à des concerts d’une qualité constante. Ici, nous avons toujours cru que les choses les plus belles se construisaient ensemble. Pardon pour notre immodestie : nous l’avons même démontré. Notre militantisme associatif a transformé nos rêves les plus déraisonnables en un projet concret couronné de succès. Tant pis pour les railleurs qui estiment que « l’éducation populaire » est un concept démodé à ranger dans les livres d’Histoire, éternellement lié aux congés payés de 1936. Si notre festival occupe une place à part sur la scène des manifestations culturelles, c’est parce que son organisation aux mains d’amateurs éclairés puise plus que jamais ses forces en elle. Nous ne doutons pas de l’efficacité des structures marchandes qui, ailleurs, régissent de grands événements, mais la gestion associative de Jazz in Marciac lui confère très certainement davantage de liberté. L’audace et l’imagination sont inscrites dans son ADN. Le goût de l’humain n’empêche pas le professionnalisme, bien au contraire : il le magnifie.

 

Un outil de développement territorial

Comme il magnifie notre petite cité. Tel est le troisième atout du festival : il contribue tout au long des années à la mutation de Marciac. Le pouvoir d’attraction de la musique possède des effets durables. Séduits par le décor et par ses habitants, des touristes reviennent en dehors de l’été et décident parfois de s’installer. On ne connaît que trop la désertification dont bien des villages ruraux sont victimes. Le nôtre y a non seulement échappé mais il a connu un destin inverse en voyant son économie progresser et sa notoriété rayonner bien au-delà de ses frontières. Commerces, artisanats, entreprises, cinéma, galeries d’art, résidence de vacances, hôtels, chambres d’hôtes, restaurants ouverts toute l’année, Territoires du Jazz… Autant de témoignages d’un dynamisme exceptionnel pour une commune de 1 300 âmes, sans oublier que ses alentours bénéficient eux aussi de son attractivité. À ce titre, n’oublions pas la réussite que constitue la salle de L’Astrada : Jazz in Marciac est l’un des rares festivals, pour ne pas dire le seul de cette envergure, à avoir su prolonger son action dans le domaine musical en développant en milieu rural la notion de projet culturel de territoire et en persuadant ses partenaires publics (État, Région, Département, Communauté de communes) de créer ce lieu de spectacle et de l’ériger en EPCC pour en assurer la pérennité. D’autres réalisations concernant son patrimoine historique confirment la vitalité de Marciac, comme la rénovation du portail de l’église Notre-Dame, celles de la façade et de la cour du Couvent des Augustins, ou encore la splendide sculpture en treillage retraçant les lignes de force de l’aile du cloître, en attendant l’espace qui y proposera des résidences d’artistes. Mais, aussi fiers sommes-nous d’avoir pu contribuer au dynamisme de notre territoire, nous ne l’oublions jamais : il nous a apporté lui-même tant de choses… Les richesses de ce lieu et de ses habitants nous inspirent et nous nourrissent au jour le jour. Pour le dire en une phrase, on ne peut donner que ce que l’on reçoit.

 

En guise de conclusion…

Terminons ce tour d’horizon par un regard vers le passé. À la fin du XIIIe siècle, la bastide royale Marciac a été conçue comme un projet socialement, politiquement et économiquement attractif devant assurer la prospérité de ses habitants. Huit siècles plus tard, l’ambition n’a pas changé mais un projet d’un tout autre ordre permet de l’assouvir. Un projet sans cesse en mouvement. Sous l’intitulé « Marciac la créative », nous souhaitons désormais développer autour de notre festival et des multiples initiatives qu’il a suscitées un programme ambitieux prenant appui sur les atouts dont dispose notre territoire. Votre rôle est plus que jamais essentiel pour mener à bien cette tâche. La première étape sera de faire en sorte que l’édition 2022 de notre festival marque le retour de JIM au plus haut niveau. Un retour qui nécessite la mobilisation de tous les amis de Marciac et la fédération de toutes nos énergies. Le jazz en vaut la chandelle… Soutenir notre festival, ce n’est pas seulement contribuer à bâtir un événement culturel d’exception mais permettre à tout un territoire d’offrir le meilleur de lui-même.

Jean-Louis Guilhaumon

© Arkade

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