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2010

Salle des Fêtes
New Spirit
NEW SPIRIT
Session d'automne

Comme Bessie Smith pour le blues, Billie Holiday pour le jazz, on pourrait dire que pour le gospel il y a Mahalia Jackson et les autres. Ni Bessie Griffin, ni Marion Williams, n’ont jamais atteint la grandeur et la simplicité de la chanteuse de la Nouvelle-Orléans. Avec sa sublime voix de contralto alliée à cette pulsation déhanchée propre à la Louisiane, elle chantait les Spirituals et Gospels Songs comme personne. La ferveur naturelle de son chant, sa force de conviction, sa puissance de recueillement et sa densité naturelle font de Mahalia Jackson l’une des grandes voix du siècle dernier, reconnue depuis longtemps par le public afro-américain. Les New Spirit, jeune groupe de Philadelphie, sont de retour à Marciac pour un concert hommage à celle qui fut la plus grande chanteuse de gospel de tous les temps. 

Que l’on aime ou pas les hymnes, les polyphonies et les chœurs dont se nourrit le gospel, la venue des New Spirit à Marciac pour célébrer l’œuvre de Mahalia Jackson à quelques jours de Noël, est un événement. L’ensemble est composé de huit chanteuses dont trois instrumentistes, dirigé par la pianiste organiste Carol Frazier qui a travaillé avec « The Stars Of Faith » (une référence !). Et pour s’attaquer au répertoire ô combien difficile de Mahalia Jackson, le groupe bénéficie de la présence de la chanteuse Carolyn Payne qui est l’une de ses plus ferventes disciples. Figure de proue et voix de tête des New Spirit, Carolyn Payne est une chanteuse à la technique irréprochable. De fait, ce samedi 18 décembre à Marciac, l’auditoire fait une ovation à cette belle femme entourée de chanteuses en chasuble rouge flamboyant. Dès les premières notes, le professionnalisme du groupe saute aux yeux et aux oreilles : chorégraphie millimétrée, envolées des solistes, une pianiste-directrice musicale « perfomer » dans l’âme avec en invitée spéciale la charismatique Carolyn Payne qui déploie, tout au long de ce concert, sa vigueur, sa joie et son sens dramatique. Ca swingue sans faux pas ni fausse note et Carolyn Payne sait s’éclipser à intervalles réguliers pour permettre aux New Spirit de donner de la voix.

Le chœur déploie beaucoup d’allant et de fraîcheur sur le répertoire de Mahalia Jackson. Entre expressivité et classicisme, sans grandiloquence, les voix, belles et bien harmonisées, offrent un récital bien équilibré. Le sens du message est premier : gloire à Dieu ! Et l’habileté musicale n’a d’emploi que si elle le sert. Ce qui frappe, c’est la modération avec laquelle Carolyn Payne en use. La dynamique du spectacle dérive d’un élan, d’une force, qui fusionnent totalement sens des paroles et cohérence de la phrase musicale sans s’appuyer sur une pulsation régulière. D’autres titres font entendre des chants mesurés, interprétés avec un balancement rythmique dont la légèreté n’a d’égale que l’intensité. Ce concert force à l’admiration mais sans trace de cette chair de poule que les Negro Spirituals et Gospel Songs de Mahalia Jackson savaient provoquer sans crier gare. Mais parce qu’il se dégage de la scène plus qu’un « feeling » issu de l’atmosphère des églises paroissiales de Philadelphie, un frisson naît à la faveur d’une parenthèse a cappella de Carolyn Payne puis tout au long d’un vibrant hommage à Mahalia Jackson. Les voix s’unissent à nouveau pour un final plein d’entrain évangélique.

A l’heure du rap au discours parfois radical qui fédère les jeunes générations de la terre entière, les New Spirit croient dur comme fer à la pérennité et à l’universalité de leur langage. Le gospel investit rarement les salles grand format et les amateurs guettent les concerts confidentiels organisés dans l’intimité des petites salles ou des églises. Après le magnifique concert de ce soir, « New Spirit » célèbrera aussi la messe Gospel du Dimanche 19 décembre à l’église de Marciac. Lieu qui il est vrai apporte une résonnance naturelle au message spirituel véhiculé avec allégresse mais aussi véhémence, par cette soul music originelle, loin de la connotation chaudement sensuelle qu’elle nous évoque depuis James Brown ou Marvin Gaye.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux