2025
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of Jazz in Marciac

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Marciac 2015

Dans les pubs londoniens autour de King’s Road, on voyait à l’époque de la minijupe fleurir à côté du distributeur de cigarettes des déclarations d’amour furtivement gravées à côté de cœurs approximatifs ; elles voisinaient avec l’interjection coutumière de ceux qui, non contents de laisser une trace souvent indélébile, considéraient cette preuve comme un gage de notoriété. « I was here ! » signé Pierre, Paul ou Jacques. Novembre 2015. On imagine mal de pareils tags sur les murs entretenus de la bastide de Marciac. Mais tout de même, qui n’a jamais eu l’envie de proclamer à autrui sa présence lors d’un événement qui a marqué nos vies ? Qui n’a eu l’occasion de briller face à des convives un peu blasés : « … moi, j’y étais !»  La dernière édition de Jazz in Marciac justifie pareille coquetterie : en effet, par une sorte de miracle résultant du travail d’une armée de bénévoles, d’une organisation à la souple autorité et d’un goût sûr quant au programme, tout le monde s’accorde à dire qu’ « il fallait y être ». Il ne s’agit pas de détailler les mérites de tel groupe ou le caractère exceptionnel de tel concert, considérations laissées à la sagacité des critiques. Mais en mettant de côté le tamis à travers lequel notre jugement élit son palmarès personnel, tout valait d’être écouté. Chacun à sa manière… car s’il est un endroit où prévaut la liberté de choisir « son » jazz et sa façon de l’écouter, c’est sans doute Marciac. Contrairement à ce qui se produit souvent sous d’autres latitudes, personne ne vous oblige à faire la fête ni à vous transformer en Torquemada de la science jazzique : si les grandes messes rassemblant quelques 6.000 adeptes sous le chapiteau vous font peur, ils vous est loisible de vous lover dans l’un des fauteuils de L’Astrada pour découvrir à portée d’oreille des artistes qui n’ont rien à envier à ceux dont la notoriété est faite. Si vous avez besoin d’une période d’acclimatation et que le jazz se conçoit pour vous comme une expérience à vivre sans regarder votre montre, un verre à la main, sans bourse délier, alors le festival Bis est fait pour vous, même si la transformation spectaculaire de ce petit village en nombril bienveillant du jazz peut sembler à certains trop éloignée d’une doxa rigoriste. À Marciac, on ne cherche ni à exclure, ni à embrigader : chacun mène sa vie selon son petit swing personnel. Mais une fois le décor planté, quand la multitude se met en marche pour choisir son sanctuaire et y découvrir sa capacité à s’émouvoir, quelle mémoire garantira que ces bons moments n’ont pas été le fruit d’une imagination exacerbée, d’une impression trompeuse, d’une convivialité exaltée qui nous rendrait ce rêve trop complaisant ? Comme en témoigne l’éphéméride illustré que vous avez entre les mains, vous n’aurez pas le loisir de méditer trop longtemps sur cette question. Même les plus grands jazzmen ont fermé la bonne oreille sur une fausse note ou un accord raté. Ça n’a pas empêché leur solo d’avoir du génie, ne fût-ce que quelques secondes. Vous y étiez ? Tant mieux. Vous n’y étiez pas ? Vous pourrez vous rattraper l’année prochaine.

 

 

© Arkade, Marciac.

© Arkade, Marciac.