2025
end of July early August

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2008

Salle des Fêtes
Energy
TONY MONACO, RICKY FORD, PAUL BOLLENBACK & BOBBY DURHAM
Session de printemps

Jimmy Smith, le roi de l’orgue Hammond, a rendu l’âme le 8 février 2005. Avant lui, peu de jazzmen avaient osé s’approprier ce clavier et sa machinerie qui trônaient dans les moindres églises noires américaines. Il est l’inventeur du son « jazz » de cet instrument. A force de réglages et de manipulations, il a réussi à obtenir une sonorité ronde et chaleureuse. Personne n’était jamais parvenu à le faire sonner d’une telle façon. « Docteur » Lonnie Smith, Richard « Groove » Holmes, Rhoda Scott, Joey DeFrancesco… tous, lui sont redevables. Ce samedi 17 mai à Marciac, c’est Tony Monaco et les autres membres du groupe Energy qui lui rendent hommage.

Energy, c’est une configuration bien particulière, un combo regroupé autour de l’orgue qui est pour beaucoup dans la marche des troupes. Tony Monaco sait choisir le guitariste (Paul Bollenback) et le batteur (Bobby Durham) qui servent le mieux son humeur. Dès les premières notes, son orgue prend les allures d’une chaudière qui ne s’essouffle jamais, pompant des phrases dans un réservoir inépuisable, ronronnant d’aise, rugissant de plaisir. Vient s’ajouter le ténor véhément de Ricky Ford qui ne fait pas de quartier, assisté par la pulsation omniprésente de l’organiste. D’une certaine manière, c’est Jimmy Smith qui a lancé la vogue des combos orgue-batterie-guitare dans les années 60, qu’il a parfois partagé avec quelques saxophonistes. Energy reprend donc l’une des formules favorites de Jimmy Smith pour jouer un répertoire ancré dans le blues (Blues For T), marqué par le gospel (The Preacher), chargé de traits funky (Boogie Balloo) et proche du rythm’n blues (Burnin’). Les objectifs des musiciens de ce groupe sont aisés à définir puisqu’ils se posent en défenseurs des bastions du groove et de la vigueur expressive.

Le premier titre du second set (I’ll Remember Jimmy) est envoyé d’une traite dans les étoiles par les réacteurs des riffs incisifs de l’organiste. Sur cet hommage, les doigts de Tony Monaco courent sur l’orgue comme aux plus beaux jours de Jimmy Smith. Les rythmiques très vives de Paul Bollenback à la guitare influencent la façon dont Tony Monaco bourre les chaudières de son orgue pour foncer à pleine vapeur à travers les nappes sonores qu’il lève sur son passage. Le groupe est d’ailleurs bien épaulé par le guitariste qui propose deux de ses compositions (Dancing Leaf ; Invocation). Il séduit du début à la fin par son jeu lyrique et précis. Sa guitare au son clair est chaleureuse et gorgée de swing. C’est un musicien qui manie son art avec finesse et naturel sur tous les tempos. Excellent soliste et accompagnateur solide, Paul Bollenback peut compter sur la cohésion du groupe Energy renforcé par la présence de Bobby Durham à la batterie, très en verve sur ce concert malgré la grave maladie qui le ronge. C’est un batteur d’une grande classe, dont l’énergie et l’attention apportent beaucoup à la qualité de cet ensemble. Il fait partie de ces musiciens à l’écoute qui enrichissent une formation plutôt que de la couvrir. Tony Monaco se frotte à ces artistes de toutes les générations pour apprendre d’eux ces quelques secrets magiques de l’expression musicale qui donnent à sa fougue une profondeur étonnante. Il se confronte à ses pairs comme pour mieux aiguiser ses armes. Face au clavier, il se déchaîne comme si sa vie en dépendait, il transpire tel un possédé, utilisant tous les effets de son orgue avec une science démoniaque de l’envoûtement.

Cette musique d’échange et de passion, entièrement dédiée à l’art de Jimmy Smith, dans laquelle Tony Monaco et Ricky Ford s’inspirent mutuellement, entraine le batteur Bobby Durham et le guitariste Paul Bollenback dans un tourbillon d’extase. L’orgue de Tony Monaco vire au plaisir des corps et à l’émoi de l’âme, tant et si bien que pour parler de cette soirée euphorique du 17 mai à Marciac on hésite entre tous les termes du champ lexical de la gastronomie : gourmand, convivial, savoureux, épicé, sucré, salé…

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux