2025
21 Juillet > 7 Août

Archives

2010

Salle des Fêtes
Eric Bibb
ERIC BIBB
Session d'automne

Bien que l’on n’ait plus l’effet de surprise, tant l’artiste est devenu incontournable sur les scènes de notre pays et que son répertoire nous est désormais très familier, c’est toujours un plaisir d’aller voir un concert d’Eric Bibb. Il est devenu l’un de ces rares artistes que l’on reconnaît aujourd’hui dès la première syllabe. Il perpétue la tradition de ses maîtres : Mississippi John Hurt, Leadbelly et Odetta tout en restant luimême grâce à sa forte personnalité. Il fait désormais partie des artistes importants du blues actuel. Il le prouve encore et de belle manière avec ce nouveau concert très acoustique et fortement orientée vers les chansons des années 30.

Eric Bibb revient à Marciac en toute simplicité nous présenter son nouvel album «Booker’s Guitar», un hommage au célèbre musicien Bukka White, dont il a hérité de la guitare le temps d’un enregistrement. C’est à la suite d’un concert en Angleterre, où un fan lui propose d’essayer la «National Duolian», une guitare ayant appartenu à l’oncle de B.B. King, que la révélation se fait et que l’idée d’un album hommage à celui qui souhaitait qu’on l’appelle «Booker» commence à germer. Mais qu’on ne s’y trompe pas : s’il rend hommage au bluesman d’Aberdeen, Bibb ne s’en inspire pas directement, «Booker’s Guitar» est une belle ballade tendance «Talkin’ blues» qui doit plus à Mississippi John Hurt, une influence revendiquée de longue date par Eric Bibb. Au début du concert, le bluesman se présente seul à la guitare. C’est un artiste souriant, au visage lisse, sans âge, qui monte sur la scène de Marciac. Après une ouverture en forme d’hommage direct à Bukka White par le titre éponyme de son dernier album, Eric Bibb joue ensuite des chansons fortement inspirées de cette époque. Ces quelques titres en solo incarnent l’essence même du talent de Bibb : voix fervente et « finger-picking » solide. La musique d’Eric Bibb a tout pour séduire. La guitare claque et les mots caressent. Mais sa voix chaude et feutrée est aussi capable, au besoin, d’un « growl » plus mordant. Il allie ainsi la fermeté du style à une élégance naturelle. Chaque note, chaque phrase mélodique, chaque riff de guitare acoustique est justifié, utile, efficace.

La suite s’inscrit dans la même veine, Eric Bibb chante et joue du « folk-blues » sans autre accompagnement que sa guitare légère, l’unique assaisonnement toléré se présente sous la forme de quelques interventions bien senties de Grant Dermody à l’harmonica. Ce n’est plus un secret, Eric Bibb sait s’entourer et son association avec Grant Dermody est une réussite. En lui, il a su trouver un harmoniciste de tout premier plan, concis et nuancé, dont les piques surgissent de nulle part. La finesse et la subtilité de son harmonica chromatique sont un plaisir. Un délicat équilibre instrumental s’établit alors autour du duo. Ce qui est bien avec Eric Bibb, c’est qu’il ne cherche pas à passer pour un innovateur, mais qu’il assume son rôle de « songwriter » avec inspiration. D’où un répertoire de chansons simples et belles, mises en valeur par des orchestrations épurées, toujours intelligentes et riches derrière leur apparente simplicité. Le naturel de la guitare et l’harmonica met idéalement en valeur la voix douce et rauque du chanteur. Eric Bibb emporte l’adhésion du public avec beaucoup d’aisance. Ses qualités de timbres et de diction, son mélange de vigueur et de délicatesse y sont pour beaucoup. Certains titres lents nous permettent même de nous attarder sur le grain de sa voix, le glissement de ses doigts sur les cordes de la guitare, l’irruption de l’harmonica de Grant Dermody sur quelques solos bienvenus. Eric Bibb nous propose un voyage onirique à travers son univers poétique sans frontières. Et c’est en fermant les yeux que l’on goûte parfois le mieux à sa musique. Essayez, vous verrez, c’est beau et apaisant.

Depuis plusieurs mois, Eric Bibb est très présent en France et il enchante à chaque fois le public lors de ses nombreux concerts. Tout cela n’est que justice car ce « bluesman » est l’un des rares musiciens américains de sa génération à rendre ainsi hommage au « folk-blues » de ses aînés. Devant un public conquis d’avance, Bibb fait ce qu’il sait faire de mieux : partager avec les autres ses histoires pleines de tendresse et d’optimisme. L’artiste rencontre ce soir un nouveau succès dont on se réjouit. Le format acoustique classique sied si bien à la vérité simple et imagée de ses compositions. Ce musicien ne cède jamais à la facilité, sa joie de jouer, de créer et d’être sur scène n’est jamais feinte, il la porte sur son visage et sait la faire partager. Le public ne s’y trompe pas et ses CD s’arrachent après le concert avec une belle signature du sympathique bluesman.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux