2025
21 Juillet > 7 Août

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2007

Salle des Fêtes
Keith B. Brown
KEITH B. BROWN
Session de printemps

Un an après la venue d'Eric Bibb, le blues "rural" est de nouveau à l'honneur à Marciac, mais cette fois-ci c'est Keith B. Brown qui s'y colle! Après avoir connu l'effervescence des arènes de Marciac au festival 2006, revoilà cet enseignant américain originaire de Memphis invité pour une session de blues acoustique aux couleurs du delta du Mississippi. Que de chemin parcouru depuis l'album "Walking On Muddy Waters" (Captations Sonores - 1998)! Sans doute le déclic s'est-il produit lors du tournage de "The Soul Of A Man" (2004). Le film-documentaire de Wim Wenders lui a permis de camper un Skip James des plus convaincants. Cette participation l'a fait connaître du grand public et sa carrière a ainsi été relancée grâce au cinéma. Ce soir, c'est un bluesman accompli qui se présente à nous.

Si hier Keith B. Brown donnait l'impression d'être un touche à tout (du blues du Mississippi, à celui de la West Coast, en passant par le blues du Texas) aujourd'hui, il semble qu'il ait acquis la maturité qui lui faisait défaut. L'interprète qui jouait jadis des standards de blues dans les bars de Paris et Bordeaux s'est mué en artiste complet notamment depuis le film de Wim Wenders en 2004 et son disque "Delta Soul" (Juna Music - 2005). Désormais, Keith B. Brown n'adopte plus la démarche d'un Corey Harris ou autre Keb' Mo'. Ainsi, la majorité des morceaux de cette soirée sont des compositions personnelles issues de son dernier album (Got To Keep Movin' - Juna Music - 2007) et ça fait toute la différence! Même si ces titres tendent parfois vers le folk, sa musique s'est recentrée sur le blues du Delta, celui des origines. Le concert s'inscrit donc dans cette veine : du blues 100% acoustique que n'auraient pas renié les maîtres du genre. S'accompagnant seul à la guitare ou remarquablement soutenu par Cadijo à l'harmonica, Bernard Viguié à la basse, et Gilles Erhart à l'orgue hammond, Keith B. Brown s'affirme désormais comme une valeur sûre du blues "rural". Tout au long de ce premier set, il montre une grande maîtrise dans un jeu de "finger picking" qui fait merveille.

Lors de la deuxième partie du concert, Keith B. Brown nous livre avec sobriété un ensemble de titres d'une grande finesse, aux confins du blues et du folk. Si les fondations musicales restent bien le blues du Delta, sa musique n'emprunte aucune structure traditionnelle prévisible. Le guitaristechanteur ne fait pas partie de ces artistes qui se contentent de reprendre des standards sans imagination. Bien au contraire, sa voix à la fois puissante et sensible interpelle l'auditeur dès les premières notes. Son lyrisme tranquille révèle un de ces compositeurs-interprètes dont la planète blues est de moins en moins féconde. Ce concert tantôt entrainant (The Surface ; All The Wrong Moves), tantôt émouvant (Cold Fever ; Kick It) est un juste prolongement au film de Wenders où chaque morceau baigne dans l'ambiance du Sud des Etats-Unis. On ne peut que se délecter de sa grande voix, ample et chaude (Them Boys From Memphis), de ses arpèges étincelants (All I Need) ou de son jeu brillant au "bottleneck" (Down The Line ; Death Letter). Ainsi, il se révèle en virtuose de la guitare acoustique et du "slide", de quoi nous tenir en haleine pendant plus de deux heures.

L'adjonction d'un orgue hammond, d'un harmonica et d'une basse à la voix profonde de Keith B. Brown, souligne les mélodies particulièrement envoûtantes du répertoire. Les quelques traits discrets proposés par chaque instrumentiste créent une alchimie qui débouche sur des harmonies situées aux portes de la poésie musicale. Lors d'un ultime rappel, Keith B. Brown revient seul sur scène pour entamer a cappella un sublime "Tell Me What You Say". L'ambiance chaleureuse de ce concert nous a donné l'eau à la bouche pour le festival de cet été. Rendez-vous le 30 juillet pour fêter ensemble, jusqu'au 15 août, le trentième anniversaire de Jazz in Marciac !

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux