2025
21 Juillet > 7 Août

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2011

Salle des Fêtes
Paolo Fresu
PAOLO FRESU DEVIL QUARTET
Session d'hiver

Tous les fans de Paolo Fresu ont en tête son fameux Angel Quartet. En voici le pendant maléfique : Devil Quartet, une formation qui, plus que par le passé, a recours aux sortilèges de l’électronique pour créer des climats contrastés. Les premiers faits d’armes de ce groupe remontent à 2003 mais Paolo Fresu a pris soin de rôder sa formule entre mille projets et collaborations avant d’enregistrer « Stanley Music! » chez Blue Note en 2007 et de se produire sur les scènes des plus grands festivals dont celle de Jazz in Marciac en 2008. Le voici de retour à Marciac pour une session d’hiver encore plus diabolique!

Le concert part sur un rythme d’enfer, les musiciens ont le diable au corps sur «Another Road To Timbuctu», une furieuse composition du guitariste Bebo Ferra menée par une équipe d’experts qui semble possédée. Avec des musiciens de ce calibre, faire la fine bouche serait malvenu. Ne résistons pas! Le plaisir est là, immédiat! Le secret de cette réussite réside dans la complicité des artistes en présence. Chacun trouve naturellement sa place. Trompette et guitare se parlent, se répondent. Un dialogue que la section rythmique, souple et légère, n’enferme jamais dans des tempos rigides. Le son et les fulgurances de Paolo Fresu relancent régulièrement l’attention. Comme à son habitude, le trompettiste a recours à divers effets électroniques d’assez belle facture qu’il emploie avec aisance et parcimonie (harmonizer, delay, nappes, etc…). Sur «Giovedi», son jeu est pénétrant comme le soufre. Sur «Devil’s Game», il se produit une éruption volcanique aux pulsations jazz-rock où la trompette de Paolo Fresu brûle avec une flamme bleue. Il en résulte un superbe tableau sonore d’une musique en mouvement. Cette première moitié du concert se balance entre la tendresse des ballades et l’explosion dynamique provoquée par certains titres décapants.

La cohésion du groupe, son équilibre, s’appuient sur des «grooves» auxquels Paolo Fresu ne nous a pas toujours habitués. Certaines mélodies sont traversées de rafales «funky» et de vagues «free». Mention spéciale à la guitare de Bebo Ferra dont les solos suaves, vaporeux suivent le leader dans sa course rapide. Mais ensuite, à une ou deux exceptions près, le ton s’adoucit, pour revenir à des ambiances plus familières chez Fresu : la ballade mélancolique, les thèmes onctueux et spacieux, où règne cette trompette incontestablement à part, charnelle, caressante, aérienne et tendue. Sur «Qualche Anno Dopo», le son chaud et pénétrant de Paolo Fresu fait une nouvelle fois des merveilles. Sa trompette bouchée s’ouvre sur l’émotion toute nue et s’entrelace sensuellement avec la guitare de Bebo Ferra. Tout est calme, swing et volupté, une invitation au voyage. Paolini Dalla Porta à la contrebasse et Stéfano Bagnoli à la batterie déploient le tapis rouge avec une souplesse rythmique toute féline. A côté de tant d’exquises beautés, trompette-guitare-basse-batterie amoureusement entrelacées, ne boudons pas notre plaisir! Dans un indéniable esprit d’ouverture, les quatre musiciens expriment avec passion leur amour pour le jazz à travers une irrépressible volonté créative. C’est une musique dont on entend battre le cœur très fort. Paolo Fresu est égal à lui-même dans ce lyrisme épanoui qui est devenu sa marque de fabrique.

A priori, la rencontre de la guitare, de la trompette, de la basse et de la batterie n’a rien de déconcertant. Pourtant, l’agencement de ces instruments fonctionne si bien que ce quartet ouvre des horizons nouveaux. Ce qui fait l’originalité du groupe et crée l’inattendu, c’est cette façon dont Paolo Fresu et son guitariste trafiquent leurs sons à coups de pédales «maléfiques» et de subtils procédés électroniques, quitte à ébrécher la sophistication et l’élégance du jeu à l’italienne. A l’instar d’un célèbre groupe de rock, Paolo Fresu Devil Quartet nous emmène sur « The Highway To Hell »!

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux