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Transeuropean Express, c’est un trio international composé de vedettes dont la référence commune pourrait être l'Europe. Tous trois ont fréquenté la même école, celle dont les maîtres s’appellent Ray Brown et Oscar Peterson. Le suédois Ulf Wakenius fut pendant six ans le guitariste remarqué d’Oscar Peterson. Le pianiste Dado Moroni est une figure éminente du jazz italien et un grand connaisseur du jeu de l’immense pianiste Canadien. Quant au Français Pierre Boussaguet, il fut l’élève et l’ami de Ray Brown. Voici donc une rare conjonction de talents et une formation des plus homogènes qui prône des valeurs préalablement empruntées aux pionniers du trio jazz sans batterie : pudeur, élégance et virtuosité. Trois qualificatifs résumant à la perfection la musique distillée par Transeuropean Express.

Optant pour un format minimaliste (piano-guitarecontrebasse) Transeuropean Express est un groupe à géométrie modulable. Les combinaisons sont multiples, tout à tour, les musiciens jouent en solo, en duo ou tous ensembles. Sous l’influence de l’éclectique Wakenius, le trio - exemplaire dans sa conception - n’oublie pas d’emprunter des chemins détournés. Le guitariste, fin médiator, est capable d’interpréter indifféremment de la Bossa-nova, du Pop-rock ou du Bebop. Son jeu repose sur une dynamique subtile et maîtrisée de la sonorité, sur un phrasé et une articulation d’une grande limpidité, sur une qualité de toucher remarquable et un sens très sûr de l’utilisation de l’espace. Il y a dans sa technique une grande exactitude de geste, un naturel confondant tout en respectant pleinement les capacités de son instrument. Ses compagnons l’entourent avec beaucoup d’élégance. Le piano plein de vie de Dado Moroni intervient avec beaucoup d’à-propos. La contrebasse de Pierre Boussaguet possède une sonorité ronde et chaleureuse, son sens du tempo et de l’harmonie est infaillible. Chaque musicien est brillant tant en accompagnement qu’en solo. Par voie de conséquence, l’auditeur a tout loisir d’apprécier le jeu des protagonistes et l’entente qui règne au sein du trio.

Ulf Wakenius est pétri de talent mais il est scandaleusement sous-médiatisé comme certains de ses collègues tels Martin Taylor et Pat Martino. Pourtant, l’incroyable Ulf touche la guitare avec un tact ravissant, ses phrases respirent et les notes chantent avec parfois quelques staccatos nerveux que ne renierait pas John McLaughlin. Wakenius et ses comparses nous offrent des climats ouatés et dépouillés. On note une influence folk souvent soulignée, des tournures mélodiques lyriques qui frôlent parfois le recueillement. Cependant, les trois instrumentistes sont convaincus que la belle ouvrage nécessite autant d’enthousiasme que de remontage de manches. Sur certains titres au tempo enlevé, nos artisans mouillent leur chemise : Boussaguet apporte une profondeur splendide au swing de sa contrebasse, Moroni garde vive la flamme d’un piano harmonique et harmonieux, Wakenius développe un jeu rapide avec une rondeur et une précision insensée où le phrasé du Blues n’est jamais très loin. Comme chez son camarade Pat Metheny, la pureté d’un son cristallin et la délicatesse du doigté sont de mise mais il peut aussi tirer les cordes de forts accents funky quand la musique s’emballe. Toutes ces qualités attestent d’une profonde compréhension de la singularité de chaque artiste. La complicité entre tous ces musiciens bourrés de talent est stupéfiante ! Si Transeuropean Express jouait du rock on le qualifierait de power trio ! Mélodies sobres et belles, entente idyllique au sein du trio : le souffle musical est omniprésent et on en a le sien coupé. On (re)découvre alors un guitariste hors-pair superbement inspiré, au jeu lyrique et sensible. L’incroyable Ulf possède également l’un des plus beaux touchers à la guitare acoustique cordes nylon jouées au médiator. Ce qui prouve une fois de plus la polyvalence de ce musicien attachant et sa soif de nouveaux défis. Vous aurez d’ailleurs l’occasion de le retrouver aux côtés de Youn Sun Nah le 3 août prochain dans notre nouvelle salle de spectacle (L’Astrada) lors du 34ème festival Jazz in Marciac.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux