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2012

L'Astrada
Jesse Davis
THE BARCELONA JAZZ ORCHESTRA & JESSE DAVIS
Session d'hiver

Avec un physique évoquant Charlie Parker, une fougue et une volubilité qui n’empêchent pas une grande sensibilité sur les ballades, Jesse Davis est un saxophoniste passionnant. Influencé par Sonny Stitt et Cannonball Adderley en particulier, il est réellement le fils musical de ces deux grandes pointures avec un son profond à l’alto qui n’appartient qu’aux grands. C’est dire que Jesse Davis est certainement l’un des plus beaux artisans du jazz d’aujourd’hui. Ce samedi 25 février 2012, il se produit à Marciac en tant que soliste vedette du Barcelona Jazz Orchestra, l'un des meilleurs big bands européens, pour célébrer la mémoire de Benny Carter qui fut l’un des grands acteurs du jazz des années 1930 aux années 1990.

Sur scène, un excellent Big Band et un formidable saxophoniste, le Barcelona Jazz Orchestra et Jesse Davis, se livrent une joute serrée sur les grands standards de Benny Carter. Duels croisés, confrontations de solistes, stimulation réciproque, chacun des musiciens s’en donne à cœur joie pour montrer le meilleur de lui-même! Le Barcelona Jazz Orquestra est une belle formation qui a déjà accompagné quelques stars du jazz : Nicholas Payton, Phil Woods, Frank Wess, Wendell Brunious, Benny Golson… Ce soir, la formation se livre à une relecture actuelle et sans concession des classiques du répertoire de Benny Carter qui fut saxophoniste, trompettiste, tromboniste, pianiste, chanteur, arrangeur, compositeur et chef d’orchestre, excusez du peu ! Ce big band espagnol a pour avantage de compter dans ses rangs des techniciens hors du commun, capables de restituer note pour note les œuvres de celui qui a fait des arrangements pour Duke Ellington, Louis Armstrong, Ray Charles, Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan et bien d’autres… Pour l’heure, il donne la réplique à Jesse Davis, bien mis en valeur sur le titre initial : Apollo Jumps. Le saxophoniste possède un sens très personnel de la mélodie, une inspiration toujours sur les hauteurs et un swing à décoiffer les meilleurs batteurs. Il vous arrache des larmes sur les ballades et croyez bien que sur le blues ou les tempos rapides, il fait méchamment fumer la machine !

Sur la scène de L’Astrada, les swingmen se livrent à une démonstration des plus réussies. Le swing de l'orchestre est positivement incroyable sur de simples riffs avec pour seul et unique but le swing, encore le swing, toujours le swing! Ce big band est majestueux, rond et lisse, parfait pour lancer sur orbite la fusée Davis ! Loin de tout revivalisme réducteur, il joue avec tout son cœur des phrases d'un pur classicisme. Le répertoire présenté ce soir, propose des climats contrastés et des orchestrations riches. C'est ce qu'illustre parfaitement le titre « Easy Money » : l'introduction du piano d'Ignasi Terraza qui alterne avec les notes subtiles des saxophones nous fait sortir des sentiers battus. La bonne surprise vient de ce pianiste aveugle dont le jeu économe et posé maintient les timbres et les intensités en équilibre. Son accompagnement sur le solo de Jesse Davis instaure un climat insolite. Et puis le saxophoniste américain prend le relais : un professionnalisme certain, une maîtrise de la scène, un son qui lui permet de se mouvoir avec aisance dans ce répertoire. Ainsi reprend-il avec bonheur les thèmes fétiches de Benny Carter : Jackson County Jubilee - Blue Five Jive – Rompin’ At The Reno - Sunset Glow – Goin’ On – Vine Street Rumble – Movin’ Uptown jusqu’au dernier rappel, concluant une prestation appréciée par la copieuse assemblée.

La prestation émérite de Jesse Davis et du Barcelona Jazz Orchestra suscite l’enthousiasme d’un public conquis. Les musiciens se galvanisent les uns les autres pour le plus grand plaisir de tous. Le Barcelona Jazz Orchestra maîtrise parfaitement l'alchimie qui équilibre les sections d'instruments à vents. Après tout, c'est ce qu'exigeait Benny Carter de ses musiciens : rigueur et précision. Mention spéciale pour le titre « My Man Benny » en hommage à ce grand musicien et dans lequel Jesse Davis prend un chorus d'une élégante sobriété.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux