2025
21 Juillet > 7 Août

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2010

Salle des Fêtes
McKelle
ROBIN McKELLE
Session de printemps

Deux albums ont suffi à Robin McKelle pour s’imposer auprès du public de jazz. Son premier disque sobrement intitulé « Introducing Robin McKelle » (Cheap Lullaby, 2006), consacré aux standards des années 40-50, a projeté la jeune native de Rochester (Etat de New-York aux Etats-Unis) en tête des ventes européennes, entre Diana Krall et Madeleine Peyroux. En avril 2008, le prestigieux label Blue Note publie son deuxième album de standards, « Modern Antique », qui l’impose comme l’une des meilleures chanteuses de jazz actuelles. Alors comment évoquer à nouveau un concert de Robin McKelle sans risquer de redire ce que nous savons déjà ? Profondeur du timbre, justesse, swing, chaleur, elle semble tout avoir ! Toutefois, il y a ce soir une nouveauté puisque, pour son retour à Marciac, Robin McKelle s’éloigne de l’univers des big band swinguants pour s’attaquer aux standards du blues et du rythm and blues qu’elle dit avoir pratiqués à ses tout débuts.

Quel bonheur sur le titre d’ouverture! C’est à partir d’une section rythmique stimulante (Sam Barsh au piano, Reggie Washington à la basse, Mark McLean à la batterie) que s’envole son chant sur Mess Around. Pour ce début de concert, elle aborde un rythm and blues aux arrangements résolument rétros, mais quel charme! En se mesurant à quelques monuments du genre comme I Can’t See Nobody (Nina Simone) ou Lonely Avenue (Ray Charles), on se rend vite compte que sa technique vocale est impeccable. Until The Day I Die est un beau blues lent dans l’esprit du répertoire choisi, même s’il s’agit là d’une composition originale de McKelle. La voix, toujours séduisante, est renforcée par une rythmique très présente. Les «grooves» des claviers de Sam Barsh et de la basse électrique de Reggie Washington associés aux irruptions stimulantes de la batterie de Mark McLean font merveille. Les musiciens «jazzifient» les reprises de Never Make A Moove To Soon (B.B. King) et I Just Want To Make Love To You (Muddy Waters). Lors de ce concert, Robin McKelle marie avec un bonheur certain, répertoire ancien et tonalité contemporaine pour un résultat très convaincant. Sa voix expressive, aux inflexions « soul », habite ces chansons avec un naturel qui force l’admiration.

On prétend volontiers que Robin McKelle swingue comme elle respire et ce n’est pas la deuxième partie du concert qui va le démentir. En effet, c’est une chanteuse à la voix puissante, chargée d’émotion, capable de repeindre avec de plus vives couleurs un vieux titre du rythm and blues comme Cry Me A River. La formation qui l’accompagne vaut par son équilibre et son homogénéité. L’habillage, impeccable, ne souffre pas de la moindre objection. McKelle emporte l’adhésion par son aisance, son autorité, sa capacité à swinguer. La chanteuse est une femme de son temps fascinée par le répertoire du blues et du rythm and blues des années 50-60. Elle ne se laisse pas pour autant aller à jouer la carte de la nostalgie. Au contraire, elle se livre ce soir à une véritable relecture d’un répertoire que l’on pourrait supposer figé, tout en apportant une touche de fragilité qui n’est pas pour rien dans le succès de cette soirée. Sa voix s’irise à la manière d’un diamant. Swing aux délicates luminescences, lueurs de soul et, au gré d’une inflexion poignante, la légère fêlure qui tue! Lors du rappel, on entend la vocaliste au piano nous faire l’intro « groovy » de What’d I Say pour le plus grand plaisir de tous : ça foisonne, ça fourmille et ça crépite, le public se lève pour danser sur le « tube » légendaire de Ray Charles !

Robin McKelle butine les esthétiques musicales comme autant de fleurs offertes à la gourmandise. Après deux albums dédiés au charme suranné des big band cuivrés et aux larges sections de cordes qui avaient établi sa réputation, elle aborde désormais le rythm and blues de la grande époque avec le même succès. Elle n’a donc vraiment rien en commun avec toutes ces chanteuses vaguement étiquetées «jazzy», surtout soucieuses d’approcher la réussite commerciale d’une Norah Jones.

Frédéric Gendre
Photo © Pierre Vignaux