2025
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Le Journal

de Jazz in Marciac

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CD & DVD

Mehldau en état de grâce à Marciac

Le 2 août 2006, au festival de Marciac, Brad Mehldau offre un récital d’une rare intensité. Et, contre toute attente, autorise les caméras à pénétrer son monde intérieur...

En cet été 2006, Jazz in Marciac accueille Brad Mehldau pour la cinquième fois. L’Américain commence à devenir un véritable habitué des lieux : lors de sa précédente venue, en 2004, il avait reçu un accueil enthousiaste, en première partie du parrain du festival gersois, Wynton Marsalis. Le pianiste de Floride est donc détendu. D’autant que s’il s’est fait le spécialiste-rénovateur du format trio, l’exercice du solo s’apparente à un moment de recréation. « Quand des musiciens de jazz improvisent ensemble, ils suivent très souvent des sortes de plans (le plus souvent des variations autour du thème). Quand tu joues en solo, tu n’as pas à t’adapter à ce que les autres font. » Avant de rentrer sur scène, il imagine une sorte de set-list idéale qu’il s’amusera à modifier en cours de route, selon l’humeur du moment. Il n’a qu’une seule exigence : ne pas être filmé. Problème : Jazz in Marciac a l’habitude de diffuser les concerts sur des grands écrans pour permettre aux spectateurs assis aux places du fond de ne rien rater des mimiques des musiciens. Le pianiste accepte par respect pour le public, mais il demande à ne pas être gêné par les caméras. Le réalisateur Samuel Thiébaut se débrouille donc pour placer trois cadreurs « invisibles » derrière des rideaux.

Moins de deux heures plus tard, son récital ayant été tellement intense, Brad Mehldau revient sur sa décision : en 2011, le label Nonesuch sortira le disque mais aussi le DVD de la soirée. Véritable événement pour un pianiste qui déteste être filmé, ce Live in Marciac est, à ce jour, le seul témoignage audiovisuel officiel d’une prestation de l’Américain. C’est dire l’importance qu’il lui accorde. « Chaque disque solo a été pour moi un véritable tournant. Le Live in Marciac, c’est le début d’une approche plus libre et peut-être aussi plus détendue, plus fluide. »

Il faut dire qu’en ce 2 août 2006, Brad Mehldau semble en état de grâce. Dès le « Storm » (Tempête) d’ouverture, on sent que le pianiste fan de romantisme allemand a pris la température de la salle. Comme un symbole, il enchaîne sans transition cette pièce spontanée avec un standard de Cole Porter, « It’s All Right With Me ». Chez l’Américain, compositions et reprises sont cousues du même fil : son « Trailer Park Ghost » sonne comme du Radiohead et l’« Exit Music (For A Film) » de la bande à Thom Yorke a comme un air de Mehldau. Presque sous hypnose, le pianiste en vient à jouer des morceaux inattendus, comme le fameux « My Favorite Things » qui sort de ses doigts en rappel : « Je ne l’avais jamais joué avant car la version de Coltrane, que j’écoutais en boucle quand j’avais 13 ans, était quelque chose de sacré pour moi. » À ce moment-là, confiera-t-il, c’est comme si tout un pan de son enfance avait émergé, à sa grande surprise.

 

Mathieu Durand

Brad Mehldau - Live in Marciac - 2 CD + 1 DVD Nonesuch/Warner

Brad Mehldau - Live in Marciac - 2 CD + 1 DVD Nonesuch/Warner