2025
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Le Journal

de Jazz in Marciac

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Hommage

Wayne Shorter {𝟭𝟵𝟯𝟯 † 𝟮𝟬𝟮𝟯}

Wayne Shorter s’est éteint, le 2 mars, à Los Angeles, à l’âge de 89 ans. Le saxophoniste et compositeur américain s’est souvent produit à Marciac dans des contextes divers, émerveillant le public par sa capacité d’invention mélodique et harmonique.

1999, en duo avec Herbie Hancock : Voilà donc les deux hommes à Marciac pour présenter la musique telle qu’elle leur vient à présent, en improvisation libre. Le dialogue fraternel de Herbie Hancock et Wayne Shorter a touché au sublime et le public ovationne longuement deux des plus grands créateurs de musique que le jazz ait produits et qui en ont étendu les frontières.

2003, avec son quartet de luxe : Wayne Shorter est une légende vivante dont une Victoire du Jazz est venue consacrer le talent. Rien d’étonnant si sa venue a drainé la grande foule, d’autant qu’il est accompagné par un trio « de luxe » (Danilo Perez, John Patitucci et Brian Blade). Concert conforme aux attentes : les compositions du saxophoniste qui alterne ténor et soprano se prêtent à des explorations aventureuses. Une sorte de parcours initiatique dont les étapes, Smilin’Through, Deep Night, Atlantis, Sanctuary, dévoilent des arcanes insoupçonnés. Une musique forte, exigeante, dépourvue d’attraits faciles, aux beautés de laquelle le public sait se montrer sensible.

2005, le retour du quartet : Le quartette de Wayne Shorter, présent il y a deux ans, revient auréolé d’une réputation désormais consacrée et qui a attiré sous le chapiteau l’affluence des grands soirs. Alternant ténor et soprano, le saxophoniste délivre un message parcimonieux, sorte d’épure suggestive, de cri monté des profondeurs et explosant comme une libération. Un discours en lambeaux éclatés souvent repris au vol par Danilo Perez (On Wings Of Song). Pianiste attentif s’il en est, véritable plaque tournante de l’ensemble, ce dernier, secondé par John Patitucci, aussi à l’aise pizzicato qu’à l’archet (Besame Mucho), ouvre des pistes à son leader, le stimule, prolonge ses phrases, assurant un semblant de cohérence à une musique d’accès difficile et qui requiert, pour être pleinement goûtée, une attention soutenue.

2007, avec le groupe Imani Wind : Le quartette de Wayne Shorter, plébiscité les années précédentes, fait son retour sous le chapiteau mais dans une formule qui l’associe cette fois au quintette new-yorkais Imani Wind, flûte, hautbois, clarinette, cor et basson. Première partie dévolue au seul quintette pour trois pièces d’une suite évoquant la carrière de Joséphine Baker (J’ai Deux Amours s’y métamorphose en Thank You, Josephine). C’est ensuite au tour du quartette de Wayne Shorter. Il interprète deux morceaux d’une suite composée par le leader, Terra Incognita, avant d’être rejoint par Imani Winds pour deux autres thèmes de la même suite. Le titre évoque les explorations auxquelles se livre le compositeur et saxophoniste qui alterne ténor et soprano, ce cross over permanent entre jazz, classique et improvisation libre. Une musique d’accès ardu, appréciée pourtant, comme en témoigne l’ovation finale, par un chapiteau bien garni.

2013, Wayne Shorter Quartet : Après avoir été pendant plus de quarante ans l’un des principaux architectes du jazz moderne, Wayne Shorter revient à la tête d’un quartet exceptionnel composé de musiciens talentueux, Danilo Perez (piano), John Patitucci (contrebasse) et Brian Blade (batterie). À presque quatre-vingts ans, celui qui fut le saxophoniste des Jazz Messengers et de Miles Davis avant de fonder avec Joe Zawinul le groupe mythique Weather Report, n’a rien perdu de son inspiration. Sa musique inclut, à côté d’anciennes compositions originales, des pièces de Villa-Lobos et aussi des mélodies celtiques, des thèmes de flamenco, voire un cantique médiéval. Une diversité qui l’apparente à Gil Evans dont il a l’insatiable curiosité musicale.

2014, Wayne Shorter & Herbie Hancock : Les retrouvailles, après des années, de deux musiciens d’exception, explorateurs tous azimuts. Dix mille ans de musique à eux deux, une télépathie d'amoureux. Mais aussi, une fraîcheur, un sérieux de novices. Wayne prend le micro pour dire simplement : « Nous jouons en trio, Herbie, moi-même – et vous. »

© Francis Vernhet

© Francis Vernhet